Guide pratique du BTP : « On ne retrouvera pas un niveau normal avant la rentrée »

Publié le 09/04/2020

Samuel Minot est président de la Fédération BTP Rhône et Métropole.

Vous attendiez ce guide pratique pour la reprise des chantiers. Il est sorti le 2 avril. Qu’en avez-vous pensé ?

L’OPPBTP, qui a conçu ce guide, est l’organisme de prévention du BTP, organisation paritaire entre salariés et employeurs. Ce document d’une vingtaine de pages contient les préconisations sanitaires à observer pour la reprise du travail. Il s’agit d’un référentiel établi avec le milieu de la santé qui constitue le début d’une réflexion pour tous les chefs d’entreprises du BTP. Il met fin à une période d’incertitude. Tant que l’on ne connaissait pas les règles minimales, on ne pouvait pas reprendre les chantiers.

Ce guide est facilement accessible ?

Il est téléchargeable gratuitement sur le site de l’OPPBTP et sur celui de BTP Rhône (cliquer ici).

On comprend que la reprise n’est pas pour tout de suite…

Ceux qui peuvent reprendre les chantiers réfléchissent à adapter leurs règles avec leurs salariés et leurs représentants. Il va falloir se procurer le matériel nécessaire, gel hydroalcoolique, gants, masques… Il va falloir travailler avec les maitres d’ouvrage, adapter les bases vies, diminuer la densité d’intervenants. La règle de distanciation sociale empêche par exemple le transport, dans les véhicules, de plus d’une personne par banquette. Et puis certains syndicats s’opposent à la reprise des chantiers…

Pouvez-vous nous donner des cas pratiques couverts par ce guide ?

Par exemple un plombier qui fait de la maintenance industrielle. Il aura des gestes barrières à respecter. Il pourra reprendre sous réserve d’avoir accès aux pièces détachées et matériaux nécessaires à son activité. Il en va de même pour un charpentier, un plombier, un carreleur, un terrassier… Les postes isolés vont s’adapter. Mais la co-activité, très fréquente sur les chantiers, vient tout compliquer. Quand un maçon coule au 4e ou 5e étage d’un bâtiment et qu’au-rez-de-chaussée, il y a un plombier qui travaille, il va falloir s’organiser. Dans la journée, il faut éviter qu’ils se croisent dans les cages d’escalier, les sanitaires, les vestiaires…

Peuvent-ils porter un masque ?

Ils ont l’habitude de porter des équipements de protection individuelle. Mais les masques FFP2 sont réservés au personnel soignant, et c’est bien normal. Les entreprises du BTP n’en trouvent pas et se retournent vers les masques alternatifs. Elles se procurent également du gel et des gants.

Lors de notre dernière interview, vous avez évoqué le problème posé par les machines qu’on se transmet de personne à personne. Avez-vous une réponse dans le guide ?

Oui la réponse, c’est : une machine par salarié. Il faut limiter le prêt de matériel, d’outils, entre compagnons et les désinfecter à chaque échange. Ou alors systématiser le port de gants et le lavage des mains toutes les deux heures. Au-delà de la difficulté de réaliser ces gestes, se pose la question de la productivité.  Cela peut représenter un frein supplémentaire à la reprise des chantiers.  Ensuite, aux risques opérationnels et à ceux de la contagion, s’ajoutent les risques habituels sur les chantiers qui ne peuvent plus être pris en charge, les équipes médicales étant réquisitionnées pour le Covid-19 : chute, heurt, risques électriques, manipulation d’engins et de produits chimiques, port de charge et postures. Aujourd’hui la situation est complexe et il faut tenir compte de tous les paramètres.

On comprend que les gros chantiers tels que ceux de la Part-Dieu seront difficiles à reprendre…
Oui. Les chantiers où une quinzaine de corps d’état interviennent seront restreints à 50, 60 ou 70 salariés et à une dizaine d’entreprises maximum pour reprendre. Il y aura un gros travail à faire de distanciation sociale. Et il revient au coordinateur sécurité prévention de la santé de ces chantiers de préciser les conditions de respect des mesures sanitaires. D’autres questions se posent durant cette période. Qui va prendre en charge les surcoûts liés à toutes ces mesures, comme la location de la base vie ou les droits de voirie ?

Vous ne croyez pas trop à une reprise rapide…

Il y a une forte attente chez nos entrepreneurs. Nous devons garantir la pérennité de nos entreprises, sauver nos boîtes, sauver les emplois ! C’est vital. Mais on sent bien que tout ne recommencera pas tout de suite. C’est le déconfinement qui va libérer les reprises de chantiers. On estime aujourd’hui que 15% de l’activité du BTP continue. D’ici la fin avril ou début mai, cette proportion pourrait atteindre 25%. Mais il va falloir que la filière amont des matériaux soit débloquée. Et imaginez si les écoles ne reprennent qu’en septembre, de nombreux salariés devront encore rester chez eux…  On ne retrouvera pas un niveau de production normal avant la rentrée.

Quelle est la situation des permis de construire ? Ils sont stoppés ?

La difficulté, c’est que le décret tombé brutalement permet aux services instructeurs de reprendre la délivrance des permis de construire un mois après la fin de la période d’urgence sanitaire, soit fin juillet – soit, disons-le, septembre. Avec les délais de recours, cela veut dire qu’il n’y aurait plus de permis avant début 2021. C’est la double peine pour le monde du BTP. Nous avons alerté Julien Denormandie, le ministre du Logement. Cela va être repris. Il est temps de mettre en œuvre la dématérialisation des dossiers : permis de construire, permis de démolir, déclaration préalable de travaux, division parcellaire, permis de lotir… On est encore dans du 100% papier.

Cela veut dire qu’après la reprise des chantiers, il y aura à nouveau un trou d’air ?

Oui, c’est une bombe à retardement. Heureusement, on a des chantiers dans le pipe. Mais assez rapidement, on va subir un gros trou d’air parce qu’on a mis un garrot en amont, sur les autorisations d’urbanisme. Il y a aussi les incertitudes sur les équipes municipales en attendant le résultat définitif des élections et la mise en place des équipes.

 

 

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